Manifeste pour l’éthique des investissements à la Caisse du personnel de l’État de Genève (CPEG)
Le présent manifeste est lancé par le Collectif BDS Genève (Boycott Désinvestissement Sanctions), soutenu par le Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT), le Syndicat des Services publics (SSP Genève), le Cartel intersyndical du personnel de l’État et du secteur subventionné et la Conférence Universitaire des Associations d’Etudiant.e.x.s (CUAE). Ce document est ouvert à la signature de toute collaboratrice et collaborateur affilié-e à la CPEG, ainsi qu’aux personnes retraitées affiliées à la CPEG.
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Genève, le 9 juin 2025
La CPEG, notre caisse de pension, se range par principe dans l’investissement responsable et l’économie durable. En adhérant au Pacte mondial des Nations Unies (Global Compact), la CPEG prône le respect des Droits humains. Bien ! Mais ces mots ne doivent pas être invoqués en vain. Ils nous obligent en tant qu’assurées et assurés et engagent la CPEG à gérer notre argent avec la diligence que l’on attend d’elle.
Alors, comment la CPEG peut-elle justifier qu’une partie de ses actifs contrevienne à ces beaux principes ? Nous avons appris que la CPEG détient pour plus de 2 millions de francs en obligations d’État israéliennes (voir Annexe à la fin du manifeste. Obligations d’État israéliennes à la CPEG: pour en savoir plus).
Pourquoi et comment ces obligations sont-elles dans nos mains ? Nous voulons le savoir. Ces actifs participent-ils à accroître la fortune de notre caisse de pension ? Cela nous remplit de honte. Notre caisse de pension participe-t-elle à financer la dette publique israélienne ? Cela nous soulève et affecte gravement l’image d’intégrité et de rigueur de notre caisse dans sa politique de placements.
Qu’il suffise d’apprendre que l’État d’Israël s’appuie sur des lois ségrégationnistes, suprémacistes et d’apartheid, qui affectent les populations palestiniennes qui sont sous son contrôle, dans le territoire israélien, dans le Territoire occupé de Cisjordanie et de Jérusalem et dans la bande de Gaza. Des politiques démontrées par de nombreuses ONG de défense des Droits humains et par la Cour internationale de justice.
Qu’il suffise de rappeler que l’État israélien impose depuis une vingtaine d’années à la population palestinienne enfermée dans la bande de Gaza un blocus aux effets humanitaires dramatiques. Et depuis octobre 2023, qui peut encore ignorer les massacres, les déplacements forcés, la famine imposés depuis 19 mois à la population gazaouie ? Dans ces actes et les discours qui les accompagnent, la Cour internationale de justice de l’ONU a reconnu des risques plausibles de génocide.
En tant que collaboratrices et collaborateurs de la collectivité publique, en tant que retraitées et retraités de la Caisse, nous exigeons que le comité de la CPEG et sa Commission de placement se débarrassent sans délai des obligations d’État israéliennes tenues par la Caisse, car elles portent atteinte à l’image de la CPEG et nous rendent complices malgré nous d’un régime répressif et génocidaire.
Nous exigeons que la CPEG, notre caisse de pension, se conforme au droit international, qui nous engage à désinvestir des intérêts israéliens afin de ne soutenir sous aucune forme que ce soit le régime d’occupation israélien.
Vu le génocide en cours à Gaza, où plus de 60% des victimes sont des femmes, enfants et vieillards, il faut agir vite.
Nous demandons à la CPEG d’auditer l’ensemble des actifs acquis avec son capital et de les soumettre à sa grille de critères éthiques, durables et responsables, ainsi qu’à la base de données des Nations Unies sur les entreprises impliquées dans les colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, et à informer publiquement des mesures prises.
Nous demandons à notre caisse de nous démontrer que notre politique de placements est irréprochable. Nous exigeons que la CPEG respecte en tous temps les critères éthiques qu’elle se donne et qu’elle en fasse état de manière détaillée dans ses rapports annuels.
Le Manifeste pour l’éthique des investissements à la CPEG est lancé par le Collectif BDS Genève (Boycott Désinvestissement Sanctions) et soutenu par le Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT), le Syndicat des services publics (SSP Genève), le Cartel intersyndical du personnel de l’État et du secteur subventionné et la Conférence Universitaire des Associations d’Etudiant·e·x·s (CUAE). Toute personne retraitée de l’État de Genève ou qui travaille dans l’administration cantonale de Genève, y compris dans le personnel enseignant de l’instruction publique ou des établissements publics médicaux genevois peut y souscrire.
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Annexe: Obligations d’État israéliennes à la CPEG. Pour en savoir plus:
En bref
Au 31 décembre 2024, la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (CPEG) détenait une position1 de 2’039’004 CHF en obligations d’État israéliennes, contribuant ainsi au financement d’un gouvernement dont le dirigeant fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité – un mandat qui, en droit suisse, devrait entraîner son arrestation.
Par ailleurs, en 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu un risque plausible de génocide dans la bande de Gaza, une conclusion depuis corroborée par les organisations de défense des Droits humains Amnesty International et Human Rights Watch, ainsi que l’existence d’un système d’apartheid en Cisjordanie.2
Nous constatons que cet investissement de la CPEG est inacceptable du point de vue éthique, et problématique du point de vue juridique.
Détenir cet investissement est-il en ligne avec l’obligation de la CPEG en tant qu’établissement de droit public ?
L’article 5 de la Constitution suisse impose à la Confédération et aux cantons de respecter le droit international. En tant qu’institution publique, la CPEG doit éviter de soutenir les violations de traités ratifiés par la Suisse, comme les Conventions de Genève, le Statut de Rome ou la Convention contre le génocide.
Dans son avis consultatif du 19 juillet 2024 (note 2), la Cour internationale de Justice a spécifiquement rappelé aux États leur obligation de «prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux ou les investissements qui soutiennent la situation illicite créée par Israël dans le Territoire palestinien occupé.» De plus, en tant que signataire de la Convention contre le génocide, la Suisse est tenue par une obligation erga omnes: elle doit agir pour prévenir ce crime, y compris via ses institutions publiques comme la CPEG.
Cet investissement est-il en ligne avec la politique d’investissement responsable de la CPEG ?
La CPEG prône le respect des principes directeurs du Pacte Mondial (Global Compact) qui appelle à respecter la protection du droit international relatif aux Droits de l’Homme et veiller à ne pas se rendre complices de violations des Droits de l’Homme.
Pourtant, l’État israélien fait l’objet d’accusations crédibles et documentées de crimes internationaux – génocide, apartheid et violations systématiques des droits humains, incluant torture et expansion de colonies illégales. En finançant l’État israélien, la CPEG se rend complice de ces atrocités, en contradiction flagrante avec les principes éthiques qu’elle proclame.
D’autres caisses ont-elles déjà retiré leurs investissements en raison de la situation en Palestine-Israël ?
Oui, plusieurs caisses de retraite et fonds souverains ont retiré leurs investissements en raison de la situation en Palestine-Israël, particulièrement en lien avec les colonies israéliennes et l’occupation.
En Irlande, le fonds souverain ISIF a désinvesti de six entreprises israéliennes, dont des banques finançant le développement de colonies illégales.
En Norvège, le fonds souverain a récemment exclu Bezeq, une société de télécommunications impliquée dans les colonies, tandis que le fonds de pension KLP a retiré ses investissements de 16 entreprises liées à la colonisation.
Au Danemark, des caisses de retraite telles que Velliv, PensionDenmark, Industriens Pension, P+ et AkademikerPension ont désinvesti de banques israéliennes et d’autres entreprises soutenant les colonies, invoquant des violations des droits humains et des directives de l’ONU.
Ces mouvements reflètent une tendance croissante parmi les investisseurs institutionnels à aligner leur exposition en Palestine-Israël sur les principes du droit international et des droits humains.
Que demandons nous?
-
que la CPEG désinvestisse immédiatement et entièrement de toutes les obligations de l’État d’Israël.
-
l’adoption contraignante de la liste des Nations Unies des entreprises impliquées dans les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé3 comme critère d’exclusion automatique pour tous les investissements de la CPEG.
-
l’application sans exception des critères éthiques de la CPEG à toutes les entités commerciales actives en Israël et dans le Territoire palestinien occupé, avec exclusion obligatoire des entreprises impliquées dans le développement ou maintien de colonies illégales ou toute violation systématique des droits fondamentaux des Palestinien·nes.
1 En finance, une «position» désigne la valeur ou le volume d’un investissement.
2 Cour internationale de Justice. Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël). Ordonnance du 28 mars 2024. Consultable à l’adresse https://www.icj-cij.org/fr/node/203847. Cour internationale de justice. Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Avis consultatif du 19 juillet 2024. Consultable à l’adresse https://www.icj-cij.org/fr/affaire/186
3 Nations Unies. Base de données de toutes les entreprises impliquées dans les activités décrites au paragraphe 96 du rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Mise à jour le 2 août 2024. Mises à jour consultables à l’adresse https://www.ohchr.org/en/hr-bodies/hrc/regular-sessions/session31/database-hrc3136