Concours Eurovision de la chanson – Retour et revendications actuelles
Le Concours Eurovision de la chanson 2025 à Bâle restera comme l’un des plus controversés de l’histoire de cet événement. La participation d’Israël a suscité l’indignation et l’incompréhension dans toute l’Europe. De nombreuses actions de protestation ont été menées par le mouvement BDS, ainsi que par d’autres groupes. Retour sur les faits :
Pression sur l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER)
Des milliers de personnes à travers l’Europe dont des artistes et des figures du monde culturel en Suisse, d’anciens participants à l’Eurovision (y compris Nemo, qui a gagné le concours en 2024), des manifestant·es à Bâle, des partis politiques, des responsables politiques (comme la ministre des Affaires étrangères d’Islande), et des centaines de milliers d’utilisateurs et utilisatrices de réseaux sociaux ont exigé ces dernières semaines l’exclusion d’Israël de l’Eurovision. Plusieurs radiodiffuseurs nationaux, dont ceux d’Espagne, d’Islande, de Slovénie et d’Irlande ont soutenu cet appel.
La revendication est – et reste – plus urgente que jamais. Israël poursuit son génocide contre les Palestinien·nes avec une brutalité croissante, et pourtant l’organisatrice du concours, l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER), a encore offert en 2025 à Israël une scène pour blanchir ses crimes de guerre, son apartheid et son génocide.
L’autorisation accordée aux drapeaux palestiniens et LGBTQ+ dans le public, et une relative tolérance envers les manifestations ont montré la forte pression exercée sur les organisateurs. Cependant, les accusations contre la chaîne israélienne KAN de soutenir le génocide via ses émissions de propagande, n’ont jusqu’à présent jamais été publiquement prises en compte par l’UER.
Unis contre le génocide (exemples choisis)
En plus des nombreuses voix critiques relayées par les médias et les pétitions, plusieurs actions de protestation marquantes ont eu lieu à Bâle, organisées par le collectif local ESC.alate4palestine. Ce groupe était présent de l’ouverture (sur le tapis turquoise) jusqu’à la finale, avec des drapeaux palestiniens, des keffiehs, des banderoles et des sifflets. Il a organisé une marche silencieuse à travers Bâle le mercredi soir, entre les deux demi-finales, ainsi qu’une manifestation lors de la soirée de la grande finale, qui a rassemblé plus de 1000 personnes. Cette dernière s’est déroulée pacifiquement, bien que la police l’ait violemment encerclée en fin de parcours
ESC.alate4palestine a également attiré l’attention sur le fait que Moroccanoil était le principal sponsor de l’Eurovision. Cette entreprise, dont le nom est trompeur, a effectivement son siège en Israël, et sa présence en tant que sponsor du concours a déjà été critiquée par différentes organisations BDS européennes ces dernières années.
Le jeudi 15 mai, jour de commémoration de la Nakba, des militant·es ont réussi à manifester à l’intérieur de la salle avec des drapeaux palestiniens et des sifflets pendant la répétition générale de la candidate israélienne. Ces actions ont eu un large soutien dans les rues de Bâle, et une bonne couverture par la presse internationale. Lors de la finale, deux activistes britanniques ont également réussi à protester bruyamment contre la participation d’Israël, malgré l’intervention musclée du personnel de sécurité.
Au niveau national, BDS Suisse avait très tôt lancé un appel au boycott de l’Eurovision, largement relayé par les médias. Une pétition lancée par BDS Suisse et signée par plus de 100 artistes et personnalités culturelles a recueilli à ce jour plus de 3 000 signatures.
Grâce à un article et un documentaire vidéo publiés sur Baba News, expliquant les raisons de l’appel au boycott, la campagne d’exclusion et de boycott a atteint un large public. Plusieurs sections régionales de la Jeunesse socialiste suisse (JUSO) ont d’abord pris position, suivies par l’organisation nationale, JUSO Suisse. Des dizaines de milliers de personnes ont également partagé les appels et vidéos sur les réseaux sociaux.
Une collaboration à l’échelle européenne a permis au collectif britannique Artists for Palestine UK de publier, juste avant l’Eurovision, une pétition signée par plus de 70 ancien·nes participant·es du concours, demandant également l’exclusion d’Israël. Peu avant le début de l’Eurovision, Nemo, artiste suisse ayant remporté l’édition précédente, a également remis en question la participation de KAN. Cette annonce a eu un fort écho parmi les fans et dans les médias suisses.
Immédiatement après le concours, le Premier ministre espagnol s’est prononcé en faveur de l’exclusion d’Israël du concours. La chaîne publique espagnole avait diffusé un message de solidarité avec la population palestinienne juste avant la retransmission. Cette critique a été renforcée par les soupçons de manipulation des votes du public par Israël, notamment dans les pays connus pour leur position critique envers l’État hébreu.
Il est probable que d’autres responsables politiques de haut niveau, médias nationaux et artistes rejoignent les appels dans un avenir proche. Nous avons notamment appris, pendant la rédaction de ce texte, que JJ, le gagnant de l’Eurovision de cette année, souhaite lui aussi l’exclusion d’Israël.
Critiques contre les appels au boycott et à l’exclusion (sélection)
Les critiques envers les appels à exclure Israël émanent des milieux habituels. La Société contre le racisme et l’antisémitisme (GRA), qui s’en prend depuis des années à toutes les voix exprimant leur solidarité avec la Palestine, sous couvert de lutte contre l’antisémitisme, a qualifié cette revendication de « problématique ». Jonathan Kreutner, secrétaire général du Conseil des communautés israélites de Suisse (théoriquement apolitique), connu pour sa position pro-israélienne, a également désapprouvé cette revendication. Des critiques similaires ont été émises entre autres par le politicien Lukas Gerig (Parti Vert Libéral) et membre du conseil bourgeois de Bâle, le journaliste et entrepreneur pro-israélien Sacha Wigdorovits, l’écrivain Thomas Meyer, ou encore par le rédacteur en chef du Blick, Rolf Cavalli. Leurs arguments reposent souvent sur des accusations d’antisémitisme depuis longtemps démonties. Le fait que la chaîne israélienne visée ait tourné en dérision le génocide dans des émissions comiques est tout simplement ignoré.
Dans le journal WOZ, Adrian Riklin a jugé légitimes les protestations contre la participation israélienne, mais seulement si elles ne venaient pas de BDS Suisse. Riklin a lui aussi utilisé l’accusation d’antisémitisme pour diffamer ce mouvement international non violent. Le refus persistant du WOZ d’entrer en dialogue avec BDS ou d’analyser son fonctionnement de façon neutre remonte au début du mouvement.
Il devient évident que les opposant·es aux campagnes de boycott, désinvestissement et sanctions envers Israël se retrouvent de plus en plus isolé·es. Nous les invitons à réfléchir au rôle qu’ils et elles jouent dans la décrédibilisation des campagnes menées contre l’apartheid israélien et le génocide en cours contre le peuple palestinien.
Nouvelle revendication adressée à la SSR
Face à la brutalité avec laquelle Israël poursuit sa politique de nettoyage ethnique en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza, il est scandaleux que l’UER continue d’admettre la chaîne publique israélienne KAN de l’Eurovision. Depuis des années, la majorité absolue de la population palestinienne, victime de génocide et d’apartheid, appelle au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre Israël. Si nous ne les écoutons pas maintenant, quand le ferons-nous?
Il est clair qu’Israël et la société Moroccanoil, en tant que sponsor principal, doivent être exclus de l’événement.
Le fait que l’UER continue de collaborer avec une entreprise et une chaîne de télévision d’un pays qui commet un apartheid et un génocide est inacceptable. Nous demandons donc à la SSR (Société suisse de radiodiffusion et télévision) de faire preuve de courage et de se retirer du concours Eurovision tant qu’Israël, par la présence de KAN et de Moroccanoil, y est impliqué, et jusqu’à ce qu’Israël :
• Cesse le génocide à Gaza,
• Mette fin à l’occupation illégale de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza,
• Accorde les mêmes droits aux citoyen·nes palestinien·nes d’Israël qu’aux citoyen·nes juif·ves, et
• Reconnaisse et applique le droit au retour des réfugié·es palestinien·nes.