L'élection israélienne et ses conséquences pour les Palestiniens

13.04.2019

Categories: Apartheid et colonialisme, BDS-Arguments

Haidar Eid: l'élection israélienne ne change pas grand chose pour les Palestinien-ne-s

Il est maintenant évident que Benyamin Nétanyahou, chef du Likoud, formera le prochain gouvernement israélien.

Même si le Likoud et l’Alliance Bleu et Blanc que dirige Benny Gantz, accusé de crimes de guerre, étaient à égalité après le scrutin de mardi, chacun remportant 35 sièges à la Knesset après une campagne âprement disputée, le bloc de droite du Likoud était bien parti pour former un gouvernement de coalition.

Certains observateurs internationaux et personnalités politiques palestiniennes avaient espéré que Gantz aurait le dessus, le considérant comme quelqu’un avec qui l’Autorité palestinienne pourrait négocier.

Mais en réalité, Gantz, l’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne qui a orchestré deux massacres contre la population de Gaza en 2012 et 2014, aurait poursuivi la politique de nettoyage ethnique des Palestinien-ne-s menée par l’État – exactement comme le fera Nétanyahou.

L’élection ne laisse aux membres de la communauté internationale attachés aux droits humains qu’une réponse adéquate : le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS).

Gantz, qui fait face à un procès pour crimes de guerre aux Pays-Bas, est menacé par toute proposition sérieuse faite par les Palestinien-ne-s en faveur de la paix avec la justice – qu’il s’agisse d’une solution à deux États ou celle d’un État laïque et démocratique pour tous ses citoyens, quels que soient leur origine ethnique, leur appartenance raciale ou leur sexe.

Comme les autres partis sionistes, Bleu et Blanc s’oppose au retrait des troupes israéliennes des territoires occupés par Israël en 1967, ainsi qu’à la mise en œuvre de la Résolution 194 de l’ONU, qui reconnaît le droit des réfugiés palestiniens à rentrer dans leurs foyers et à recevoir des indemnités à titre de compensation.

Des visions similaires

Le Likoud s’apprêtant à prendre la tête du prochain gouvernement, et compte tenu des mesures prises récemment par les États-Unis pour reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël et le plateau du Golan comme territoire israélien, la prochaine étape pourrait être l’annexion des blocs de colonies de Cisjordanie.

Aucun groupe politique israélien – pas plus le Likoud que Bleu et Blanc – n’est prêt à accepter un État palestinien reflétant le droit palestinien à l’autodétermination.

Bleu et Blanc accepterait de négocier avec les Palestinien-ne-s en vue de leur octroyer un semi-Bantoustan (ces territoires concédés aux Sud-Africains noirs dans le cadre de la politique d’apartheid), dans lequel ils pourraient se charger de services municipaux comme le ramassage des ordures, arborer un drapeau palestinien et, point particulièrement important, poursuivre la coordination sécuritaire avec Israël.

Quant au Likoud, il n’est pas prêt à accorder aux Palestinien-ne-s la moindre indépendance véritable. En vertu de sa vision de l’avenir, les Palestiniens doivent être autorisés à gérer leurs affaires, mais uniquement sous la tutelle stricte et contraignante d’Israël. Cela ne fait pas de vraie différence.

Pour comprendre le contexte de la politique unilatérale de séparation menée par Israël, il est indispensable de savoir qu’environ 70 pour cent des deux millions de résidants de Gaza sont des réfugiés, chassés de leur foyer au cours de la création d’Israël, en 1948.

Selon le « nouvel historien » principal d’Israël, Benny Morris, leur expulsion était « nécessaire » afin de créer un État juif. Le scrutin de cette semaine montre que la plupart des Israéliens juifs ont encore le sentiment que leur majorité démographique est menacée.

Le BDS contre la complicité internationale

Que le pays soit dirigé par Gantz ou par Nétanyahou, afin de briser le cycle de nettoyage ethnique engagé par Israël en fonction de motivations démographique, l’État doit être tenu pour responsable de ses actes.

J’écris ces mots depuis la clôture Est de la bande de Gaza, où ont été commis récemment plusieurs massacres évoquant le massacre de Sharpeville, commis en Afrique du Sud en 1960, qui a conduit à l’intensification de la campagne de BDS contre le régime d’apartheid dans ce pays.

Pour faire échec à la complicité internationale avec les crimes d’Israël, une campagne de BDS intensifiée et massive contre l’apartheid israélien doit être menée. Lorsque régnait l’apartheid en Afrique du Sud, la campagne de BDS a fini par déboucher sur la création d’un État démocratique, multiracial, multiculturel.

Qu’Israël soit dirigé par le Likoud ou par Bleu et Blanc, l’apartheid est ressuscité sous sa forme la plus hideuse, comportant des Bantoustans et privant les Palestiniens de toute souveraineté sur leur terre, leur eau et leurs frontières. Le chemin de la lutte contre l’apartheid doit être suivi jusqu’à ce qu’un État inclusif, laïque, démocratique soit établi – un État dont tous les citoyens seront égaux.

 

Le Dr Haidar Eid est professeur associé de littérature anglaise à l‘Université Al-Aqsa dans la bande de Gaza.

Traduction : SM pour Agence Média Palestine

Source: Middle East Eye

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Ben White - Netanyahou a encore triomphé - voici ce que cela signifie pour les Palestiniens

Les élections israéliennes – au cours desquelles des centaines de milliers d’habitants palestiniens n’ont pas pu voter pour le gouvernement qui dirige leurs vies – ont été un sobre rappel à la réalité. Mais les choses pourraient être sur le point d’empirer pour les Palestinien-ne-s.

A nouveau, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a réussi. Confronté à de graves accusations de corruption et confronté à une « équipe de rêve » composée de trois anciens chefs d’état-major de l’armée, le dirigeant du Likoud est sur le point de former un nouveau gouvernement de coalition.

Bien que la liste bleue et blanche présidée par Benny Gantz ait remporté 35 sièges à la prochaine Knesset, une majorité d’Israéliens ont voté pour le bloc dit de «droite» dirigé par le Likoud (également sur 35 sièges), aux côtés du Judaïsme uni de la Torah, du Shas, de Yisrael Beiteinu, de l’Union de droite et de Kulanu.

Avant d’envisager la suite des événements, il est essentiel de se rappeler qui n’a pas – ou plus précisément, n’a pas pu – voter lors de ces élections.

Quelque 300 000 Palestinien-ne-s de Jérusalem-Est occupée qui ont la résidence mais pas la citoyenneté ne pouvaient pas voter pour le gouvernement qui gouverne leur ville.

Plus de 4 millions d’autres Palestinien-ne-s, qui vivent sous occupation militaire israélienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, n’ont également pas pu voter pour le gouvernement qui, comme tout gouvernement israélien depuis plus d’un demi-siècle, dirige leur vie.

Il est vraiment extraordinaire qu’Israël continue, impassiblement, de se déclarer «la seule démocratie au Moyen-Orient», et encore plus extraordinaire que quiconque prenne une telle affirmation au sérieux.

Exclus du processus de décision politique, que signifient les résultats des élections pour les Palestinien-ne-s?

Au cours des derniers jours précédant les élections, Netanyahou a fait plusieurs remarques dans lesquelles il a déclaré que sous sa direction, un nouveau gouvernement israélien procéderait à l’annexion officielle de parties de la Cisjordanie occupée.

Cela est précisément objet à débat – les interprétations plausibles incluent l’annexion territoriale de certaines colonies de peuplement illégales en Cisjordanie occupée ou l’application de certaines lois israéliennes aux colonies de peuplement (une sorte d’annexion bureaucratique).

Il est important de rappeler, bien sûr, que les autorités israéliennes ont de longue date annexé de facto la Cisjordanie occupée, par le biais de l’entreprise de peuplement, de l’exploitation des ressources naturelles et des infrastructures nationales.

En outre, comme l’a montré l’ONG israélienne Yesh Din, la Knesset a déjà vu au cours des dernières années une multitude de projets de loi et de lois « comportant des éléments d’annexion ».

Néanmoins, à la lumière des déclarations pré-électorales de Netanyahou, de ses problèmes juridiques imminents et de la façon dont il sera redevable aux partenaires de la coalition engagés à l’annexion, il est raisonnable de supposer que le prochain gouvernement israélien consolidera et formalisera l’État de facto unique.

Comme l’a déclaré le rédacteur en chef du journal israélien Ha’aretz ce matin, le nouveau gouvernement poursuivra deux objectifs que l’on peut « résumer par : ‘immunité contre souveraineté’ ».

C’est-à-dire que les partenaires de la coalition de Netanyahou veilleront à l’adoption d’une législation qui « enterre les accusations contre Netanyahou », tandis que « le Premier ministre devra coordonner le ‘pacte du siècle’ avec le président américain Donald Trump de manière à ce qu’Israël déclare la souveraineté sur les colonies et assure qu’aucun colon ne sera expulsé ».

L’administration Trump n’a pas nécessairement besoin de beaucoup d’encouragement. Hier encore, le secrétaire d’État Mike Pompeo a refusé de condamner les éventuelles mesures d’annexion israéliennes.

Les temps sont sombres pour les Palestinien-ne-s, mais il convient également de réfléchir à ce qu’aurait signifié une victoire nette pour la liste bleue et blanche de Gantz.

Gantz – avec ses partenaires Moshe Ya’alon, Yair Lapid et Gabi Ashkenazi – a à peine parlé des Palestinien-ne-s pendant la campagne électorale. Dans la mesure où la liste bleue et blanche évoquait une vision pour les Palestinien-ne-s, il ne s’agissait que de la recette du maintien du statu quo: de vagues promesses de «se séparer» davantage des Palestinien-ne-s et de déployer une force militaire dévastatrice.

Les résultats des élections sont donc un sobre rappel à la réalité pour ceux qui en auraient encore besoin.

Hagai El-Ad, président de l’ONG B’Tselem pour les droits humains, a écrit sur Twitter ce matin: «Les résultats des élections confirment une chose profonde et très pourrie: un vote de confiance retentissant en faveur du renforcement de la situation existante, davantage de dépossession et de contrôle des millions de Palestinien-ne-s privés des droits fondamentaux; le débat se limite au rythme, à la portée, au niveau de brutalité utilisé ».

L’électorat israélien a parlé et la communauté internationale doit agir en conséquence.

 

Source: Ben White “Netanyahu has triumphed again – here’s what that means for Palestinians”, The Independant, 10 avril 2019. The Independent.co.uk

Traduction: JPB pour l’Agence Média Palestine

 

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