La résistance palestinienne au colonialisme et à l'apartheid mondialisé

12.03.2021

Categories: Apartheid et colonialisme, BDS-Arguments

Introduction

A une époque où la cause palestinienne a souffert de multiples revers et où elle est au plus bas de la désunion et de l’incohérence stratégique, il est réconfortant qu’une initiative lancée par la société civile palestinienne ait atteint un succès mondial retentissant face à l’opposition féroce de l’État d’Israël et de ses soutiens.

Lancé en 2005, le mouvement BDS a organisé ses actions autour de manœuvres de boycott, désinvestissement et sanctions et dans le simple objectif de justice pour les Palestiniens sous occupation, à l’intérieur d’Israël et en exil de leur terre natale. Ce mouvement s’est construit sur une démarche initiée par les victimes du plus vieil exemple de colonialisme de peuplement européen. Il s’agissait de fermiers irlandais qui, au 19ème siècle, furent les premiers à se servir de l’arme du boycott contre leurs oppresseurs, en la personne d’un certain capitaine Charles Boycott, au service de Lord Eme, leur patron propriétaire britannique. Adopté plus tard par les militants qui luttaient pour l’indépendance de l’Inde, pour mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud, et pour obtenir les droits civiques dans le Sud américain de Jim Crow, le boycott est l’un des outils les plus anciens et les plus respectés brandis par les victimes d’oppression.

Le recours à la tactique du boycott testée sur la durée a été associé à une pression pour obtenir le désinvestissement, de fonds publics, d’universités et autres institutions, des sociétés complices de l’occupation et de la soumission des Palestiniens, et à un appel à des sanctions internationales contre Israël pour sa politique discriminatoire. Ce mouvement a trouvé un écho dans un public mondial qui est de plus en plus en phase avec les réalités de la coercition par Israël des Palestiniens qu’il tient sous son contrôle ou qu’il a chassés de la terre natale de leurs ancêtres par un nettoyage ethnique.

L’appel au BDS a eu un impact particulier aux Etats Unis et en Europe, qui ont historiquement fonctionné en tant que « métropole » pour le projet colonial de peuplement – le dernier de l’époque moderne – qui s’est développé dans l’État d’Israël. Comme l’a dit feu Tony Judt, qui fut un ardent sioniste, le mouvement sioniste « est arrivé trop tard, un important un projet séparatiste caractéristique du dix-neuvième siècle dans un monde qui a changé ». Autrefois controversé, son point de vue l’est devenu de moins en moins, en grande partie grâce au mouvement BDS.

Tandis que le modèle israélien de discrimination ethnico-religieuse fondée sur le nettoyage ethnique n’est pas en accord avec les valeurs libérales modernes, ces dernières années, ce modèle a puisé une énergie renouvelée dans une vague nationaliste chauvine et peu libérale qui s’est répandue dans le monde, symbolisée par des dirigeants populistes autoritaires comme Bolsonaro, Modi, Orban et Trump. Cette énergie a animé la campagne d’Israël contre le mouvement BDS et autres défenseurs des droits des Palestiniens.

Dirigée depuis le ministère israélien des Affaires Stratégiques, amplement financée et employant des légions d’avocats, d’experts en relations publiques, de trolls en ligne et d’agents spécialistes de la désinformation, cette campagne coordonnée mondialement a diffamé des étudiants, des universitaires et autres militants pour les droits des Palestiniens de façon de plus en plus virulente. Et en même temps, cette campagne est à l’origine d’efforts pour mettre le BDS hors la loi dans divers Etats américains, qui ont jusqu’ici émis des lois votées dans nombre d’entre eux. Cependant, lorsqu’ elles sont évaluées en justice, aucune de ces lois n’a résisté au contrôle judiciaire parce qu’elles sont en violation flagrante des libertés du Premier Amendement.

L’appel au BDS et d’autres appels pour les droits des Palestiniens ont remporté des victoires impressionnantes sur les campus et dans les églises et les syndicats partout aux Etats Unis malgré les efforts déterminés des opposants à l’égalité et à la justice pour les Palestiniens. C’est ce qui a conduit Israël et ses alliés à utiliser leur arme ultime, la diffamation pour antisémitisme. Face à une récente montée inquiétante de crimes de haine antisémite, dont la plupart émanent de l’extrême droite, au lieu de se concentrer sur les principaux pourvoyeurs d’une véritable et réelle haine des Juifs (qu’ils comptent, effroyablement, pour certains d’entre, eux comme faisant partie des « amis d’Israël »), les partisans d’Israël ont essayé de diffamer les défenseurs de la justice pour la Palestine en les couvrant du goudron de l’antisémitisme. Ils agissent ainsi tout en ignorant a dessein l’opposition explicite du mouvement BDS à toute forme de racisme, dont l’antisémitisme, et le large soutien chez de nombreux Juifs progressistes et libéraux, surtout les plus jeunes, des droits des Palestiniens et des principes défendus par le mouvement BDS.

Dans le cadre de sa série de Questions d’Actualité en Profondeur, l’Institut d’Études Palestiniennes est heureux d’offrir à ses lecteurs l’analyse suivante du mouvement BDS par un de ss fondateurs et dirigeants, Omar Barghouti, dans l’espoir de diffuser la compréhension de ses buts et de ses réalisations. Comme le montre cet essai, ce mouvement est enraciné dans les principes universels et les méthodes non violentes utilisées par les mouvements contre l’oppression qui vont de l’Irlande coloniale à Birmingham, Alabama dans les années 1950. Pour se défendre contre les attaques maccartistes des partisans d’Israël, il s’appuie sur le principe de liberté d’expression consacré à la fois dans le Premier Amendement de la Constitution des États Unis et dans l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, principe qui a été confirmé par les juridictions américaines et européennes. Ce principe offre une garantie que le message d’une justice égale pour tous – Arabes palestiniens et Juifs israéliens –, qui est au cœur de l’appel au BDS, continuera de retentir mondialement.

 

Omar Barghouti est un défenseur des droits fondamentaux des Palestiniens, cofondateur du mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) pour les droits des Palestiniens, et co-récipiendaire en 2017 du Prix Gandhi pour la Paix.

Chargez l’essai complet d’Omar Barghouti ici.
Traduction par J.Ch. pour Aurdip

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