En Allemagne: censure des artistes qui soutiennent les droits des Palestiniens

06.02.2021

Categories: Antisémitisme, Attaques contre BDS, Boycott culturel

Ainsi, les directeurs de festivals, les programmateurs et des institutions publiques entières soumettent les artistes à des tests politiques, en vérifiant s'ils ont déjà critiqué la politique israélienne. Ce système de surveillance et d'autocensure a vu le jour parce que les institutions culturelles se trouvent attaquées par des groupes anti-palestiniens lorsqu'elles invitent un artiste ou un universitaire qui a une vision de l'occupation israélienne jugée inacceptable pour elles.

L'auteur de l'article du Guardian, Brian Eno, musicien. artiste, compositeur et producteur, a vu une exposition de ses oeuvres annulée à cause de son soutien au mouvement BDS. Il évoque une série d'autres exemples d'artistes qui ont été censurés: la romancière Kamila Shamsie, la poète Kae Tempest, les musiciens Young Fathers et le rappeur Talib Kwelli, l'artiste visuel Walid Raad et le philosophe Achille Mbembe. Le directeur du musée juif de Berlin, Peter Schäfer, a été contraint de démissionner après que le musée ait tweeté le lien vers un article d'un journal allemand concernant une lettre ouverte de 240 universitaires juifs et israéliens, dont d'éminents spécialistes de l'antisémitisme, qui critiquait la résolution anti-BDS.

L'article du Guardian évoque en particulier l'exemple de Nirit Sommerfeld. Nirit est née en Israël et a grandi en Allemagne. Elle a gardé toute sa vie des liens avec ces deux pays, y compris avec sa famille élargie en Israël. En tant qu'artiste, elle s'occupe depuis plus de 20 ans des relations entre Allemands, Israéliens et Palestiniens dans des chansons, des textes et des spectacles, consacrant tous ses spectacles à la compréhension internationale et interreligieuse.

Pourtant, Nirit se trouve aujourd'hui dans l'impossibilité de faire son travail culturel librement. Lors de l'examen de sa demande de financement artistique, les fonctionnaires de l'État ont dit à Nirit qu'ils devaient vérifier son travail ; lorsqu'elle a essayé de réserver un lieu de concert à Munich, sa ville natale, les organisateurs lui ont dit que le spectacle serait annulé à moins qu'elle ne confirme par écrit qu'il ne comporterait aucun "soutien au contenu, au thème et aux objectifs" de la campagne BDS. Elle a été à plusieurs reprises la cible de campagnes de diffamation.

Selon Nirit : "Lorsque les défenseurs d'Israël insistent sur le fait que ces politiques d'occupation et d'apartheid sont menées au nom de tous les Juifs du monde, elles alimentent l'antisémitisme. La lutte contre l'antisémitisme ne devrait pas et ne peut pas être menée en diabolisant la lutte pour les droits des Palestiniens".

L'expérience de Nirit est un exemple de la situation kafkaïenne dans laquelle nous avons dérivé : une femme juive, dont le travail est axé sur l'histoire, la mémoire, la justice, la paix et la compréhension, faussement accusée d'antisémitisme - par les institutions allemandes. L'absurdité de cette accusation montre clairement qu'il ne s'agit pas du tout d'antisémitisme, mais de la limitation de notre liberté de discuter de la situation politique et humanitaire en Israël et en Palestine.

Il y a lieu d'être alarmés par ce nouveau maccarthysme. Les artistes, comme tous les citoyens, doivent être libres de s'exprimer et de prendre des mesures significatives, y compris des boycotts fondés sur des principes, contre les systèmes d'injustice. Si l'on ne s'y oppose pas, le silence de la dissidence et la marginalisation des groupes minoritaires ne s'arrêteront pas aux Palestiniens et à ceux qui les soutiennent.

Les milieux culturels réagissent

Dans un geste sans précédent, les représentants de 32 des principales institutions culturelles allemandes, dont le Goethe-Institut, se sont exprimés ensemble, exprimant leur inquiétude face à la répression des voix critiques et minoritaires en Allemagne suite à la résolution anti-BDS du Parlement.

Leur déclaration commune dit : "En invoquant cette résolution, les accusations d'antisémitisme sont utilisées à mauvais escient pour écarter des voix importantes et déformer des positions critiques". Quelques jours plus tard, plus de 1 000 artistes et universitaires ont signé une lettre ouverte soutenant la protestation des institutions culturelles.

Source: article de Brian Eno du Guardian (4.2.2021)

 

 

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